mercredi 9 octobre 2013

Vieux Farka Touré à Mûsîqât, un festival tunisien pour les happy few

La 8ème édition du Festival Mûsîqât des musiques traditionnelles et néo-traditionnelles s'est ouverte jeudi 3 octobre par un concert de Vieux Farka Touré, le fils du légendaire Ali Farka Touré, le "Jimmy Hendrix" du Sahel, dont il a repris l'héritage avec brio. 
Avec plus d'un quart d'heure de retard, la soirée a (mal) commencé par un discours de bienvenue
pratiquement inaudible, lu par un représentant du ministère de la Culture bafouillant, qui a demandé au public de se lever pour écouter l'hymne national tunisien, dont le public se demandait ce qu'il venait faire là. Le magnifique patio d'Ennejma Ezzahra (Etoiles resplendissantes), le Palais légué à l'État tunisien par le baron Erlanger, qui surplombe, sur la colline de Sidi Bou Saïd, le Golfe de Tunis, seulement défiguré par une sorte de toit ouvrant (fermé), était plein à craquer quand Vieux et ses musiciens ont pris place sur la scène.
Le public, plutôt âgé, était composé en grande partie d'invités choisis bénéficiaires d'invitations distribuées par la bureaucratie culturelle. Autrement dit, la jeunesse engagée dans la création artistique, en particulier musicale, brillait par son absence. Elle devra donc se rabattre sur Youtube pour entendre le bluesman de Niafounké.
On est obligé de constater que les mauvaises habitudes prises pendant les décennies de la dictature, où la culture était gérée de manière patrimoniale, restent bien ancrées, ce qui entraîne entre autres que des spectacles de qualité restent réservés à une minuscule minorité de privilégiés ayant les "bonnes relations" et…les moyens de se déplacer jusqu'au lieu du spectacle. Qui a les moyens, dans ce pays en crise, de dépenser 35 dinars – 17,50 € - non seulement pour payer son entrée – 15 dinars, 8 en tarif réduit – mais aussi pour arriver à Sidi Bou Saïd et en revenir, le déplacement en taxi étant rendu obligatoire par l'absence de moyens de transport collectif, vu que le TGM (train Tunis-Goulette-Marsa) est en travaux depuis six mois.

On aurait pu attendre du ministère de la Culture qu'il organise, en collaboration avec d'autres organismes, le transport collectif vers le lieu du Festival, comme cela se fait pour certains autres festivals, celui d'El Djem par exemple.

Ces manquements sont-ils le fruit d'une volonté délibérée de tenir un public populaire à l'écart de certains événements artistiques ou "simplement" le résultat du laisser-aller et de l'indolence de la bureaucratie d'État ? Quelle que soit la réponse, le constat à faire est celui d'un échec.

Venons-en maintenant au protagoniste de cette soirée,  Boureima Farka Touré, qui comme son surnom " Vieux" ne l'indique pas, est jeune -32 ans - et débordant d'énergie créatrice. Accompagné par deux guitaristes et un puis deux percussionnistes, il a commencé par des morceaux de son propre répertoire, mêlant les traditions métissées du Nord-Mali et les sonorités du blues, qui revient ainsi à ses sources premières après avoir retraversé l'Atlantique. N'étant pas habitué aux ambiances compassées comme celle régnant au Palais Erlanger, Farka Touré est quand même parvenu à chauffer le public, qui a fini par se décider à décoller de ses chaises et à bouger au rythme d'une musique qui n'est finalement pas si étrangère à des oreilles tunisiennes, du moins celles qui connaissent le stambeli, par exemple.

Émettons un vœu : que Farka Touré trouve d'autres occasions de venir se produire en Tunisie, pour y rencontrer cette fois-ci ceux qui, ici, pratiquent des musiques vivantes de fusion et leur public, loin de Sidi Bou Saïd.

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